jeudi 8 décembre 2011

Mes nouveaux amis économistes

Vous devriez vraiment vous abonner à @rrêt sur images.

Je sais bien que je me répète, mais tout de même : en plein milieu de cette ambiance crise-fiancière-c'est-la-fin-du-monde-on-va-tous-morfler qui fait l'objet de tous les bulletins d'informations, il n'y a presque que chez eux que je trouve des décryptages tentatives d'explications.
Oui, parce que vu le climat actuel, je deviendrais presque accro à l'économie. Mon absence totale de formation dans ce domaine me pousse à voir des films, lire des livres, des blogs. Je reconnais volontiers que tout ceci penche un peu du même bord politique, mais je me dit que dans la mesure ou tous les invités des émissions de télévision et de radio penchent de l'autre côté, ça équilibre. Et puis bon, y a des limites à la folie aussi : lire 400p ou regarder 2h de film en s'énervant parce qu'on est pas d'accord avec un seul mot de l'auteur, c'est épuisant. Moi je lis tout ça pour le fun, chacun ses perversions.

C'est là qu'intervient @rrêt sur images, et ce papier en particulier de Anne-Sophie Jacques (oui l'accès est payant, je vous ai dit que vous devriez vous abonner - par contre vous pouvez aller vous balader sur le forum), qui s'intéresse beaucoup à la dette française. Et dans cet article, elle analyse les répercussions que pourraient avoir un défaut de paiement, c'est à dire : si on paye pas, il se passe quoi ?
J'ai pas l'attention de décrypter l'ensemble de l'article, mais je viens d'y apprendre tout de même ceci, et comme je n'ai aucune envie de travailler, je vous les écrit ici :

1 - On ne sait pas qui détient la dette française.

On a une dette, ok. 
Cela signifie que l'on doit de l'argent à des gens, des personnes, des sociétés, des entreprises, des banques, qui nous ont précédemment prêtés de l'argent. 
Qui sont ces personnes ? 

Hé bien figurez-vous qu'on l'ignore, et qu'on ne peut pas le savoir. C'est expliqué ici. En version courte : le secret des prêteurs est protégé par la loi : 

"Les textes actuellement en vigueur (…) n'autorisent les conservateurs d'instruments financiers (Euroclear France pour les titres d'État français) à communiquer aux émetteurs la liste de leurs détenteurs finaux qu'aux seuls émetteurs d'actions, de bons de souscription d'actions ou d'instruments de taux donnant immédiatement ou à terme accès au capital. Par conséquent, l'agence France Trésor (AFT) ne peut pas identifier précisément les détenteurs des obligations assimilables du Trésor (OAT), des bons du Trésor à intérêts annuels (BTAN) et des bons du trésor à taux fixe (BTF)."

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j'ai un peu de mal à me remettre du fait qu'en ce moment on nous fait passer des plans d'austérité sévères au nom d'un remboursement de dette, et qu'on ne peut même pas savoir à qui va aller cet argent. On ne sait pas non plus à quoi il a été investi, au passage.

2 - Cette dette n'est pas remboursable

À force de lire Frédéric Lordon ou Emmanuel Todd, j'avais intégré cette idée. Mais là, Anne-Sophie à de jolis chiffres :

"cette année, la France engrange 200 milliards de recettes quand elle en dépense 300 milliards, dont 60 milliards pour les seuls intérêts de la dette. Pour équilibrer le budget il faudrait faire 40% de dépenses en moins soit l’équivalent du budget de l’éducation nationale, de la défense et de l’intérieur réunis. Une paille. S’ajoutent à cela les flux financiers liés à la dette : en 2012, 100 milliards de dettes arrivent à échéance et, pour faire rouler la dette à court tearme, il nous faudra trouver 200 milliards d’euros. Corrigeons le tableau : 200 milliards de recettes d’un côté et 600 milliards de dépenses de l’autre. Soit un trou de 400 milliards (3 fois nos recettes, 8 fois l’impôt sur le revenu)"

Moi qui ai toutes les peines du monde à tenir un budget, je suis parfaitement capable de voir que là, on ne peut pas y arriver. 
J'ajouterais bien aussi que comme on n'a du coup pas d'autre manière de rembourser cette dette qu'en empruntant de l'argent ailleurs (et donc en rajoutant de la dette..) les "marchés financiers" peuvent nous demander tout ce qu'ils veulent (retraite à 80 ans, privatisation de l'ensemble des services de la société, disparition de l'ensemble des aides sociales)... Comme on est totalement à leur merci, on ne peut dire que oui. Sauf si on réalise qu'on n'emprunte que pour rembourser, plus du tout pour notre fonctionnement, et que donc, on se fait enfler.

Je ne trouve pas de conclusion à tout ça, donc cet article va finir en queue de poisson, avec une belle vidéo qui n'a aucun rapport avec ce qui précède et qui fait du bien :


mercredi 23 novembre 2011

À la vie, à la mort, et aux changements de décors

Ah et puis de la bonne musique, ok.

Miossec alors :



Une belle chanson, et un superbe clip.

Sinon j'ai un brouillon de texte sur la Stratégie du Choc de Naomie Klein. Dés que je remet la main sur un exemplaire (je suis enfin de retour au Québec, j'ai abandonné des livres trop lourds et volumineux au passage) je peaufine mes exemples et références et je remet des trucs hyper déprimants ici (oui, parce que le clip ci-dessus n'est PAS déprimant).

mardi 22 novembre 2011

Que serait la vie sans les bébés lapins ?

Bon, on me demande d'arrêter de faire souffrir mes (5) lecteurs en publiant des chansons merdiques. Ou au moins d'alterner avec des trucs bons.

Alors aujourd'hui, ce blog est envahi d'une douce guimauve qui réchauffe le cœur :



De rien, moi aussi ça me fait plaisir :)

mercredi 5 octobre 2011

Musique de merde et droits d'auteurs

Si vous étiez en France il y a quelques mois, en regardant la télé ou en vous baladant sur internet sans utiliser add-block, vous avez probablement vu ceci :


Pour ceux qui vivaient dans une grotte (ou à l'étranger), résumons. l'Hadopi, c'est la construction administrative française chargée de lutter contre le piratage, et qui s'appuie sur l'idée que les "pirates" contribuent à l'appauvrissement de la création culturelle. Ainsi, le message des trois spots publicitaires (et remerciez moi de ne vous en avoir mis qu'un seul en lien) est simple : si on télécharge aujourd'hui, on assèche tellement la création culturelle et artistique que, dans vingt ans, il n'y aura plus ni musique, ni cinéma, ni littérature.

Cette campagne a été attaquée de toute parts, mais on peut retenir deux principales critiques : une sur le fond, et une sur la forme.

Sur la forme tout d'abord. On a adressé beaucoup de reproches à cette campagne, qui sont pour la plupart regroupés dans la pétition du parti pirate. Ces clips, entre autres choses, instrumentalisent l'image d'enfants (qui n'ont rien à faire là), sont sexistes (filles qui rêvent de monter leurs seins à la télé, garçons qui rêvent de produire des films avec des grosses armes dedans), et surtout (enfin, pas surtout mais c'est de ça dont je voulais parler au départ) elle dicte une représentation formatée de la création artistique.

Parce que je ne sais pas pour vous, mais si la Hadopi sert à privilégier la création de ce type de musique, ça me donnerais plutôt envie d'aller prendre des abonnements payants sur des sites de téléchargement, histoire d'accélérer leur mort (lente et dans d'atroces souffrances) ...

Sur cette critique, la direction de la Haute Autorité, en la personne de sa présidente, Marie-Françoise Marais a répondu. En fait, nous n'avons pas compris cette campagne,  c'était de l'humour et du second degré. On a fait exprès de choisir des créations culturelles toutes pourrie pour faire un décalage, qu'est-ce que vous croyez ? Et puis que l'important, c'est que le grand public apprenne l'existence et le rôle de l'HADOPI.

Bien, donc Emma Leprince est caricaturale, et rien de tel n'existe dans la vie réelle. Jamais une maison de disque sérieuse ne produirait une bouse pareille.


bien bien bien. Justin Bieber.

Sinon tout à l'heure en procrastinant je suis tombée sur ça :


Ça, donc, qui malgré sa ressemblance flagrante avec le célèbre Let's Go to the Mall (qui au moins, fait rire les spectateurs de How I Met Your Mother), semble cette fois bien réel.

Voilà voilà. Sinon les distributeurs de musique ne nous prennent pas du tout pour des abrutis.

La critique sur le fond de cette campagne, et sur l'existence même de la HADOPI, porte quant à elle sur la définition du droit d'auteur. Selon l'HADOPI (administration dans laquelle les majors sont très bien représentées), les droits d'auteurs et l'exclusion de l'œuvre du domaine public est la pierre angulaire de création artistique, et que, sans droit d'auteurs, pas de culture. C'est comme ça.

On conseillera donc aux tenants de cette théorie d'aller lire avec profits différents articles d'OWNI, mais si vous devez en lire qu'un seul, essayez celui-ci qui permet entre autre chose d'apprendre que le droit d'auteur, lorsqu'il a été créé, excluait l'œuvre du domaine public pour trois ans, et que cette durée augmente en fonction de l'âge de Mickey (en fait, dés que Mickey menace de tomber dans le domaine public, la durée des droits d'auteurs est prolongée. On est aujourd'hui à 70 ans d'exclusivité avant de tomber dans le domaine public, on parle d'aller jusqu'à 90). 
Le dernier podcast d'Écrans.fr (et pas l'ultime, pitié, revenez!) aborde également la question avec une très longue interview de Benjamin Bayard. On y apprend notamment que, si l'HADOPI répond aux critique sur le forme de leur campagne, elle refuse toute dialogue concernant les questions de fonds comme celle des droits d'auteurs, des licences libres et, plus généralement des libertés numériques. 

Probablement parce qu'on aborderait là des sujets un peu plus fondamentaux, qui pourraient amener les gens à réfléchir (ce qui est, comme chacun sait, très dangereux).

Alors je vais sans nul doute continuer à télécharger mes séries préférées. Principalement parce que :

- elles ne sont pas diffusées en France, ou alors n'importe comment, dans le désordre et avec une VF infâme. [edit : des frémissements laissent supposer un changement]
- que l'offre légale répertoriée par l'HADOPI est lamentable
- que l'alternative Itunes est décevante (limitée en fonction du pays, et illisible sur un autre support que mac)
- parce que, quand je suis au Québec, je n'ai pas la télé
- parce que je n'ai pas les moyens d'acheter tout les dvds
- parce qu'on est loin de trouver lesdits dvd facilement en bibliothèque (un chouette concept ça, la bibliothèque, un accès gratuit et illimité à la culture). 

Mais au lieu de payer pour du téléchargement illégal (sans rire...), je vais plutôt aller donner des sous à la Quadrature du Net, qui veille efficacement à la défense de nos libertés (numériques en premier lieu, mais les autres y sont très liées), au niveau français et européen, et qui risque de mourir faute de financement. Et ici il y a une interview du porte-parole de la Quadrature du Net, pour ceux qui préfèrent écouter plutôt que lire tout le site.


[Tout ça parce que je suis tombée sur cette affligeante vidéo et que je me suis dit que non, on pouvait pas laisser dormir au fond de Youtube...]

samedi 24 septembre 2011

Pom-pom-pom








C'est l'automne!

(Et la tarte aux pommes à été mangée avant que je pense à la prendre en photos.)

dimanche 18 septembre 2011

Promenons-nous dans les bois (bis)


Vous saviez, vous, que les sculptures, ça poussait dans les arbres ? Si vous êtes dans le coin de la forêt de Tronçais (Allier) ou, depuis cette semaine, vers la forêt d'Orléans, c'est le moment d'aller vérifier : 5 sculptures monumentales (7m de haut) ont poussé cette semaine autour d'un étang.



De quoi je parle ? De ma forêt, celle de Tronçais (ou j'ai grandi) et d'une initiative de mon papa, forestier de son état, qui s'étend depuis cette année jusqu'à Orléans : Forest'art (et comme c'est une belle idée, et que je suis fière de mon papa, je fais de la pub. C'est mon blog, je fais ce que je veux d'abord)



Être ou ne pas hêtre, Nadeau Guilloton

L'idée est partie d'un constat : Tronçais est une très belle forêt, mais l'ambiance culturelle locale est un peu..Euh..Calme ? Ou alors hyper classique, les activités qui amènent des gens en forêt sont la chasse, le ramassage de champignons, et l'écoute du brame du cerf
Aussi agréables que puissent être ces activités pour les initiées, elles sont, justement, plutôt réservées à des initiés..Le nombre de personnes qui ont peur de ramasser des champignons ne cesse de m'étonner, quant à ceux qui savaient ce qu'était le brame du cerf avant de cliquer sur lien, levez la main... Alors à force de visiter, lors des vacances, des expos et des musées, pourquoi ne pas en faire un chez nous ? Des œuvres artistiques, monumentales, en pleine nature ; de l'art contemporain accessible à tous, promeneurs à pieds ou en vélo qui passe par là, ramasseurs de champignons, habitués des lieux. Une manière originale de redonner vie à des arbres plus vieux que les passants qui les observent.



En 2008, 5 sculpteurs ont travaillé pendant une semaine sur 5 ronds de la forêt de Tronçais (un rond, c'est un carrefour forestier. Voilà, vous serez plus cultivés ce soir), chacun sur un arbre mort mis à leur disposition, pour créer une œuvre sur le thème de la renaissance. 



Germinence, Guillaume Castel


Ondine, Sam Phiel


Totem, Albert Poizat


Vers la lumière, Gérard Ducret

Le succès de la manifestation a permis d'en faire une nouvelle édition en 2010, et cette fois-ci, ce sont 9 sculptures sur le thème de la découverte (dont 3 sur les terres australes) qui ont poussé au milieu des arbres.








Des forestiers d'Orléans ont trouvé l'idée intéressante et, en 2011, c'est dans la forêt d'Orléans, autour de l'étang de la Vallée, que 5 sculpteurs ont travaillée pendant cinq jours, pour faire émerger du bois des totems sur le thème de la résilience. 



Li Ken, Guillaume Castel


L'Aménophile, Paco Le Razer


Apex, Pascal Noël


L'Arbre en émoi, Irène Le Goaster


Métamorphoses, Albert Poizat




Œuvres éphémères sur le temps long, les sculptures demeurent sur place, et vieillissent tranquillement au milieu des arbres. Le bois craque, se patine, sert de support au lierre : tout ceci est vivant.



Bref, si vous passez dans le coin, il y a de l'art en pleine nature, ça vaut le coup d'œil. Si jamais le rapport de l'œuvre à son thème ne vous saute pas aux yeux (et que vous voudriez en savoir plus), pour l'édition d'Orléans, une application iPhone été développée. Elle est utilisable sur place, ou hors site, permettant à chacun d'avoir accès à un diaporama qui montre l'évolution, de l'arbre à l'œuvre, et à une interview de l'artiste, expliquant son idée et son travail.





[articles précédemment publié le 4 septembre dernier. Effacé par mégarde]

edit 10 février 2013 : une nouvelle édition de forest'art à eut lieu à Tronçais pendant l'été 2012. Étant à quelques 6000km de là, je n'ai pas pu prendre de photos, je vous renvoie donc ici où vous en verrez quelques une et pour trouvez les renseignements pour vous y rendre.

Des liens

Aujourd'hui, comme j'ai la flemme d'écrire, je vous envoie lire ce qu'écrit Crêpe Georgette, qui dit bien mieux que moi ce que j'ai pu penser de l'affaire DSK de ces derniers mois.

Et puis les Poupées en Pantalons, qui répondent à la question (cruciale!) du moment : y a-t-il trop de femmes dans l'enseignement ? (oui parce que les filles réussissent mieux à l'école que les garçons, ça doit bien venir d'une anomalie non? )

Bon dimanche!




jeudi 15 septembre 2011

Pourquoi Colonel Reyel nous prend pour des poires, démonstration en 2 parties 7 sous-parties.


La chanson Aurélie, du chanteur Colonel Reyel,  fait en ce moment ce qu'il convenu d'appeler un buzz. Comme je manque totalement d,originalité, j'y contribue en ajoutant mon bourdonnement à la foule.
Si vous n'étiez pas en France cet été, ou que vous vivez sans regarder la télé ni écouter la radio, vous pouvez mettre à jour vos connaissance en cliquant sur «play» : 




Bon, on va passer sur la qualité musicale du morceau, qui me semble être une sombre bouse et qui a l'extraordinaire capacité de rester dans le crâne après une seule écoute. Cela suffirait à rendre ce morceaux détestable, mais ce qui nous intéresse ici, ce sont les paroles, et le message. En effet, la chanson est accusée de faire de la propagande anti-avortement. 
Le scénario est le suivant : l'héroïne de la chanson éponyme, Aurélie, est accidentellement enceinte à 16 ans. Contre l'avis de ses parents et de son entourage, elle décide de mener sa grossesse à terme. 
Le chanteur se défend de soutenir un tel point de vue, et assure que le but de son propos n'est pas d'aborder la question de l'avortement, mais de «briser un tabou», celui de la maternité adolescente heureuse.

À la première écoute, les paroles de la chanson semblent mesurées, et l'accusation de propagande pro-vie exagérée. Toutefois, comme mes lecteurs sont des gens intelligents, ils savent que lorsque que quelqu'un parle de «briser un tabou», si possible «courageusement», on peut parier que ce qui suivra sera une belle affirmation bien réactionnaire. Comment démêler le vrai du faux ? Avec de bonnes vieilles méthodes apprises justement à 16 ans : l'analyse de texte. 

Nous allons donc ici détailler pourquoi ce cher Colonel se fiche ouvertement de notre pomme (je sais, je viens de tuer le suspense)


1 - utiliser les techniques des mouvements pro-vie.

La ligne de défense de Colonel Reyel, c'est affirmer que son texte ne condamne pas l'avortement, mais met en valeur le choix : dans son scénario, Aurélie choisi librement, malgré la pression de ses parents, d'avoir un enfant. Ce faisant, il reprend exactement les termes des mouvements pro-vie.

a- le choix d'un vocabulaire biaisé.

D'une part, l'utilisation d'un vocabulaire biaisé : Aurélie «attend un enfant» au lieu d'être enceinte. Elle veut qu'on l'appel «maman» et on parle de «donner la vie».
Lorsqu'on affirme à une femme enceinte que, même si grossesse en est à son tout début, elle est déjà mère, qu'elle porte un enfant et qu'elle se trouve en position de donner la vie, on lui dénie tout droit au choix : quelle femme accepterait sereinement de «donner la mort» en «tuant l'enfant» dont elle est déjà «la mère» ? 
On notera également que si l'auteur emploi des euphémismes pour parler de la grossesse ou de l'accouchement, il est en revanche très direct lorsqu'il s'agit de l'autre choix : jamais on ne parle d'interruption de grossesse, encore de l'aspect volontaire que peut revêtir cette intervention : jamais on ne parle d'IVG, mais toujours d'avortement.

L'usage de ce vocabulaire exclu la notion de choix, et pose dés les premiers mots l'idéologie dans laquelle s'inscrit ce texte.

b- l'isolement de la jeune fille

Ensuite, on présente l'entourage de la jeune fille comme des pressions. Ses parents, ses amis, «lui conseillent l'avortement» mais, lorsqu'elle refuse de suivre ce «conseil», elle se retrouve à la porte de chez elle. 
Un conseil suivit de telles conséquence n'est pas un conseil, mais une pression, un chantage. 
Le chanteur ne franchit jamais la ligne jaune en disant expressément que l'avortement c'est mal. Mais dans ce texte, tout ceux qui pensent que pour une jeune fille de 16 ans, avoir un enfant n'est pas une bonne idée, sont systématiquement désavoués. En revanche, Aurélie est glorifiée et renforcée dans son choix - elle triomphe de toutes les galères, son choix «est la plus belle chose qui soit». 

Discréditer l'entourage de la femme enceinte est une technique des mouvement pro-life «Votre partenaire ou les membres de votre famille peuvent être favorable à la solution de l’IVG, mais il est utile d’en parler à quelqu'un « en dehors »  qui n'est pas pris dans l'émotion d'une grossesse non planifiée.»[citation extraite du site ivg.net, qui, sous couvert d'un site national portant sur l'IVG est en réalité une vitrine pro-life, dont la manipulation est brillamment exposée ici.]


c - le choix des sentiments contre le pragmatique

On n'entendra pas, dans la chanson, les arguments de l'entourage de la jeune fille. On aura en revanche la position d'Aurélie, qui n'est étayée que par la sensation «d'être prête», sensation détachée, donc, de toute situation économique ou sociale. 
Dans cette perspective, devenir mère est une expérience transcendante, qui dépasse les contingences du monde matériel, ce qui semble un peu trop loin de la réalité pour être un point de vue neutre.

Enfin, chaque refrain (qui reste bien en tête) nous rappel que si Aurélie n'avorte pas, c'est parce que «elle voit les choses autrement». Si plusieurs personnes - parents et amis -  défendent la position de l'IVG, elle est seule à défendre son point de vue, qui est présenté comme un choix personnel, libre de toute influence. Un choix difficile à faire, de surcroît, puisque personne n'est de son côté. 

Aurélie est seule : elle devient une héroïne, martyre et courageuse. Lorsqu'elle refuse de suivre les «conseils» de ses parents, elle se retrouve à la rue : son statut de martyre est alors renforcée, et l'inhumanité de son entourage est alors exposée au grand jour : d'abord ils la poussent à avorter, puis ils refusent de l'aider. Ils sont rattrapés in-extremis dans le clip lorsque la jeune mère sonne chez ses parents, son bébé dans les bras. Émus, ceux-ci l'accueillent à bras ouverts : triomphe là encore des sentiments.

d- laisser croire l'ouverture au débat

Le dernier couplet de la chanson dit ceci :

«Voilà ce que je dirais si je devais donner mon avis,
Mettre un enfant au monde ne devrais pas être punis,
C'est la plus belle chose qui soit et si tu le nies,
C'est que tu n'as rien compris»

Le premier et le quatrième vers illustrent la mauvaise foi du chanteur : «si je devais donner mon avis » sous entend qu'il n'a, depuis le début de la chanson, exprimé aucun avis mais une suite de fait bruts. 
Or, il ne s'agit pas travail journalistique, mais d'une fiction dont il est l'auteur. À ce titre, du premier au dernier vers, ce sont ses idées qui sont exprimées. 
Cette position de fausse neutralité, qui le mettrais dans la position d'un juge rendant son verdict après exposé des faits - position extrêmement valorisante donc - est totalement contredite par la fin du paragraphe «Si tu le nie, c'est que tu n'a rien compris».

Le chanteur fait mine d'ouvrir le débat,  en ne donnant «que» son avis, mais il le ferme définitivement en discréditant toute critique éventuelle par ce «tu n'as rien compris». Colonel Reyel est donc bel et bien un manipulateur.
Faire mine d'ouvrir le débat pour refermer violemment la porte est également une technique des provie. Plutôt que de monter des actions frontalement opposées à l'avortement, ils préfèrent donner l'impression du choix et se placer dans une posture de conseil. Le site ivg.net, cité plus haut, se présente ainsi comme une structure de conseil et s'en donne toutes les apparences visuelles. Cependant, le fond est univoque : l'IVG est présentée comme une option à éviter, présentation à charge des conséquences que peut avoir un avortement dans la vie d'une femme etc... le tout présenté, bien sur, dans un souci affiché «d'information».



Cette chanson ne se pose pas expressément contre l'avortement. En revanche, elle glorifie l'autre option, c'est à dire le fait d'avoir un enfant, quel que soit l'âge ou la situation économique de la femme. Considérer que ces deux points de vue peuvent coexister sans se heurter relève au mieux de la naïveté.

Même si c'était un choix de vocabulaire accidentel, on n'aborde pas un tel sujet lorsqu'on est un chanteur à succès chez les adolescentes, sans peser chaque mot de son texte. Au mieux, c'est irresponsable. On notera avec intérêt que le clip avec paroles est en ligne sur le site provie-france.


2 - Colonel Reyel valeureu défenseur des mères adolescentes : Du bien beau story-telling

a - Réécrire le réel

Quel donc cet «avis» que le chanteur nous enjoint à partager avc lui sur la situation d'Aurélie ? Il st explicitement exprimé dans le dernier couple : «Mettre un enfant au monde ne devrait pas être punis».
Le chanteur répète, à longueur d'interview, qu'il cherche avant tout à défendre les mères adolescentes.

Il semble ici nécessaire de rappeler que, dans ce pays, avoir un enfant n'est nullement «puni». La politique française concernant la natalité se traduit par un certain nombre d'aides publiques, allant du congé maternité à la possibilité de congé parental en passant par des avantages fiscaux concédé aux parents : et c'est très bien comme ça. Il est important et nécessaire que l'État s'implique dans le monde de la petite enfance. 
De plus, les cocoricos qui résonnent tout les ans à l'Assemblée Nationale lorsqu'on y annonce notre taux de fécondité hors normes en Europe, laissent entendre que la maternité est très bien vue en France. L'injonction de maternité, que subissent de plein fouet les nullipares trentenaires, confirme cette impression. Il y aurait d'ailleurs là un véritable tabou à briser : celui des femmes qui décident de ne pas avoir d'enfant, et qui vivent très heureuses de leur choix. Mais bon, ce n'est pas le sujet ici. (Pour celles et ceux que ça intéresse, lire ici et )

b- Des arguments de pacotilles

Il y aurait pourtant de véritables manières d'aider les jeunes mères. Les structures sociales qui aident à assumer ce choix se délitent. Les maternités ferment alors que les naissances augmentent. Les places en crèches sont rares, les assistantes maternelles également, et tout ceci représente un budget non négligeable. Les écoles maternelles subissent de plein fouet les réductions des effectifs actuels dans l'enseignement. Enfin, lorsque les femmes cessent de travailler pour élever leurs enfants, leur retraite est amputée d'autant, sans compter les difficultés supplémentaires qu'elles rencontrent lorsqu'elles doivent à retrouver un emploi.
Colonel Reyel n'aborde aucune de ces questions. Une manière de soutenir les jeunes mères isolées pourrait être de dénoncer la faiblesse de ces structures qui, en permettant aux femmes de faire garder leurs enfants à moindre frais, leur ouvre la possibilité d'occuper un emploi. Non pas parce que le travail est quelque chose d'épanouissant (cette blague!) mais parce qu'il permet d'obtenir un salaire, et de garantir à ces femmes une indépendance.

Il pourrait également aborder la question de la reprise d'études à l'âge adulte. Dans un pays ou le diplôme prime sur l'expérience au moment de l'embauche, les cours du soir et les aménagements du temps d'étude sont quasiment inexistants. Reprendre ses études à temps partiels est compliqué, à la fois parce que les aménagement d'emploi du temps, à l'université par exemple, sont marginaux, et parce que le public reste majoritairement celui de la fac : des jeunes adultes n'ayant connus que les études. Y trouver sa place lorsqu'on a fait autre chose de sa vie est difficile, et peut mener à l'abandon pur et simple du cursus entamé. Militer pour la valorisation des parcours professionnels ou pour l'aide à l,accès aux études à l'âge adulte pourrait être une manière efficace et concrète d'aider ces jeunes filles. Pourtant, là encore, pas un mot.

Le chanteur préfère rester sur la vision bucolique qui consiste à «donner la vie» parce qu'on s'y «sent prête», comme si on pouvait vivre hors du monde réel, que celui-ci n'avait aucune incidence sur nos vies. Or, c'est faux. De bons sentiments ne suffisent pas à vivre, et encourager ces jeunes filles qui «se sentent prêtes» sans exposer en détail les situations auxquelles elles risquent d'être confrontées est irresponsable.

c - Non, avoir recours à l'IVG en 2011 en France n'est pas aisé

En affirmant «briser un tabou», Colonel Reyel laisse entendre que, si la grossesse adolescente est absente du débat public, la promotion et l'accès à l'IVG y serait très présente.

Rappel légal : depuis 1975, la loi sur l'Interruption Volontaire de Grossesse, dite loi Veil, fait de la femme enceinte la seule apte à décider si elle souhaite interrompre ou poursuivre sa grossesse. Il lui est demandé un délais de réflexion de 7 jours entre la première consultation et l'interruption de grossesse. l'IVG doit être effectuée dans les 12 premières semaines d'aménorrhées, 14 semaines depuis la modification de la loi en 2001.

Nous avons une belle loi. Même si les délais sont dans la moyenne basse des pays de l'Union Européenne, le texte considère les femmes comme des adultes, et il ne leur est demandé aucune autorisation, comme celle de leur époux, d'un psychiatre (Espagne) ou encore de l'évêque (Allemagne). [ref. Xavière Gauthier, Naissance d'une liberté]

Pourtant, ce texte comporte une faille : il s'agit de la clause de conscience. En effet, «aucun médecin n'est tenu d'effectuer une IVG» au cas ou cet acte heurterait ses convictions philosophiques, morales ou religieuses. Les femmes peuvent donc en effet prendre la décision d'interrompre leur grossesse comme elle le souhaite, mais si les médecins refusent, que faire ?
Certes, la loi oblige un médecin qui refuse de pratiquer des IVG à référer la patiente à un confrère ou une consœur qui lui/elle, pratique des IVG. Mais le nombre de médecins faisant jouer cette clause est en constante augmentation, et, mathématiquement, ceux qui pratiquent des IVG voient leurs planning surchargés, et les délais d'attentes augmenter... jusqu'à parfois dépasser la limite légale.

Cette clause de conscience est critiquée, mais elle ne disparaît pas de la loi (à se demander si, par hasard, les médecins catholiques ne seraient pas plus représentés à l'assemblé nationale que les femmes enceintes, mais c'est un autre sujet). 
Si je le pouvais, je proposerais cet amendement à la loi : «aucun médecin n'est tenu de pratiquer une IVG, sauf si il est gynécologue».
Un psychiatre ou un radiologue est un médecin. Toutefois, la gynécologie ayant peu de chance de faire partie du quotidien professionnel de ces praticiens, on peut légitimement supposer que leurs connaissances sur le sujet sont rapidement dépassées une fois les études terminées. Dans un tel cas de figure. J'avoue trouver rassurant que l'on ne puissent pas légalement obliger ces médecins à pratiquer des IVG.
Cependant, les gynécologues qui se spécialisent dans «l'étude de l'organisme féminin et de son appareil génital» ne devraient pas pouvoir se dérober. Interrompre une grossesse concerne la gynécologie, tout autant que le fait de suivre une grossesse jusqu'à son terme, ou encore de proposer une contraception adaptée. À ceux qui me rétorqueront que l'on peut choisir de devenir gynécologues pour «mettre des bébés et monde et pas l'inverse», je répondrais que ce n'est pas en option. En choisissant la spécialité gynécologie, on s'engage pour tout ce qui concerne la vie reproductive d'une femme, et cela peut inclure l'avortement. Si l'avortement pose un problème éthique au futur gynécologue, il est peut-être temps de changer de se concentrer sur la gynécologie gériatrique ou de choisir une autre spécialité parmi la vingtaine existante. (et puis ce ne sont pas les médecins qui "mettent au monde" les bébés. Ce sont les femmes qui accouchent. simple rappel)


En conclusion...

En ne franchissant jamais la ligne jaune de la condamnation express de l'avortement, Colonel Reyel s'affiche en vertueux défenseur des mères adolescentes. Pourtant, en faisant usage des mêmes méthodes que les mouvements pro-vie, il donne du poids à leur discours. Chanteur à succès chez les adolescentes (voir les commentaires sur son site) il porte, comme toute personne qui prend la parole dans l'espace publique, la responsabilité de ses propos.
Loin de défendre les mères adolescentes, il ne leur propose, avec cette chanson, qu'un texte sucré sans aucune implication sociale, ni aucune perspective d'émancipation. Aurélie ne peut espérer, au mieux, que de rentrer chez elle, à l'abri dans le cocon familial de ses parents. 
Bref, soit le chanteur se paye notre tête en feignant ne pas comprendre ce qu'on lui reproche, soir il a, comme cela a déjà été affirmé, la capacité d'analyse d'un bulot.
En parlant de bulot, Jeanne Cherhal répond en chanson à Colonel Reyel (pour comprendre le lien avec le bulot, il faut cliquer sur la vidéo)



Et enfin, après avoir parlé des site provie dans le cœur de l'article, voici ici une liste de liens utiles et non partisans (non partisans s'entendant comme sans lien avec un parti politique) sur les questions abordées :
le planning familial, qu'on ne présente plus.
- le site de Martin Winckler, truffé d'informations sur la contraception et sur le droit au choix.
Zone Zéro Gêne, mine d'informations sérieuses et légères sru totu ce qui tourne autour du sexe, tenue par la trés compétente Marie Gaëlle Zimmerman.
IVG Je vais bien merci, dont j'ai déjà parlé ici, qui affirme haut et fort qu'avorter n'est pas obligatoirement un drame dont on ne se remettrais pas.