dimanche 30 janvier 2011

virus révolutionnaire et autres fleurs

Comme les journalistes ont manqué les débuts de la révolution tunisienne, il est hors de question qu'ils laissent passer la « contagion » égyptienne. En conséquence, fleurissent dans les différents journaux articles et analyses sur la situation égyptienne. ( Et du coup, à part chez OWNI, on ne trouve plus grand-chose sur la Tunisie... )

Sans tomber dans le travers des journalistes occidentaux qui, depuis que les connexions internet haute vitesse se sont répandues, voient dans tout évènement utilisant twitter ou facebook, une nouvelle manière de faire les choses (au hasard, une nouvelle manière de faire la révolution), constatons tout de même qu'internet permet la diffusion de l'information, même lorsque celui-ci est coupé. Le site de Libération héberge donc depuis quelques jours un nouveau blog, Cris d'Égypte, donc je recommande la lecture à qui passerait par ici (gain de trafic pour le blog en question, 2 lecteurs ?). Une vision de ce qui se passe au Caire, vu du sol.

Petite réflexion personnelle sinon. Plus haut, j'ai mis en lien une chronique d'Anne-Sophie Jacques sur le site d'@rrêt sur images (oui, il faut être abonné pour avoir accès, mais @si c'est bien, c'est bon, mangez-en et abonnez-vous). Bref, dans cette chronique, Anne-Sophie s'intéresse à l'Étymologie du mot contagion, repris en boucle par les médias cette semaine. La fameuse « contagion démocratique ». En remontant l'étymologie, on rencontre les mots proches de contagion, dont contamination.

Pourquoi ne parle-t-on pas de « contamination démocratique » ?
Anne-Sophie (oui, en étant abonné-e à @si vous prenez l'habitude d'appelez les membres du site par leurs prénoms comme si c'était vos potes), Anne-Sophie donc, explique le dédain pour « contamination » avant tout par l'affaire du sang contaminé qui a rendu le mot un peu sulfureux dans les journaux français. Mais elle note aussi la différence de sens entre la contagion, qui a lieu sans que le malade ne s'en rende compte, et la contamination, qui suppose l'action du malade pour infecter une personne saine. 

Certes, la Tunisie n'a pas refilé un virus à l'Égypte. Et puis parler de la démocratie comme d'une maladie, ça sonne mal. Il n'empêche, la contagion c'est passif, contaminer, c'est actif. Comme si les Égyptiens — en l'occurrence — avaient attrapé un virus révolutionnaire sans y prendre garde, sans qu'ils n'y aient eu de choix, et que, mus par une force invisible, ils se soient rendus dans les rues pour manifester et tenter de faire tomber par magie le régime actuel.
Or il me semble que non, on ne fait pas une révolution sans s'en rendre compte. Possible qu'on se laisse emporter par les évènements, mais pour cela, il faut déjà qu'évènements il y ait. Et qu'à un moment, des gens choisissent de sortir manifester, alors qu'en face d'eux se trouvent des hommes armés, qui tirent sur les manifestants, pour de vrai. Et que le soutien international est hésitant (on vous soutiendra quand vous aurez déjà bien assuré la situation les gars... en attendant, on va regarder ce qui se passe et surtout pas se mouiller). Demeurer dans un régime autoritaire c'est irrespirable, mais risquer sa vie pour changer les choses, c'est extrêmement dangereux, violent et courageux.
Juste parce que ce qui se passe en ce moment en Tunisie, en Égypte, demande une sacrée dose de témérité, et que même si tout le monde s'en fout, parler de «contagion» ou encore limiter cette révolution à twitter, ce n'est pas leur rendre justice.


Au passage, la «révolution de jasmin» est une appellation qui semble déplaire aux Tunisiens (je retrouve pas le passage exact de l'émission). D'une part parce que le jasmin serait symbole de soumission, d'autre part parce que c'est le nom donné à la révolution précédente, en 1987, qui a donnée naissance au régime de Ben Ali. Donc bon, autant faire gaffe.

jeudi 20 janvier 2011

Humains / Animaux (je suis nulle en titre)

Une émission de Radio Creum, un bouquin discuté au Masque et la Plume, et une émission Du Grain à Moudre. Le tout en une semaine, ça donne l'impression que la question du rapport entre les humains et les animaux est un sujet qui intéresse beaucoup de monde en ce moment 
(C'est probablement faux, et bien plus sûrement dû à un hasard qui m'a fait sélectionner ces podcasts-là ces derniers jours, mais on s'en fiche non ? Ça me fait un sujet pour écrire ici et ne pas faire mon travail)

Donc, Sous le radar [l'émission de radio du CREUM, Centre de Recherche en Éthique de l'Université de Montréal] parle des végétariens, et se demande si il existe une justification morale au fait de manger de la viande. Y sont interviewées quelques personnes végétariennes, et la manière dont elles organisent leur vie, ce qui les a amenés à faire ce choix. Si les réflexions sont intéressantes, l'émission garde un parfum de... je ne sais pas... morale ? Auto-satisfaction ? L'affirmation « être végétarien est un comportement responsable » qui est à peine nuancée par l'idée que manger de la viande pas plus de deux fois par semaine serait aussi un comportement responsable... bref, à l'écoute ça m'a semblé un peu univoque, mais c'est peut-être ma qualité de carnivore vaguement culpabilisée qui ressort. 
Dans l'ensemble, l'écoute de cette émission donne l'impression que les choses changent, que même si les végétariens doivent supporter certaines moqueries, elles demeurent bénignes, et surtout, que même si tout le monde ne les a pas encore rejoints, c'est en bonne voie.

En écoutant Le Masque et la Plume critiquer Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer, on change de monde. Plus exactement, on a l'impression de revenir en arrière. Les critiques se divisent en deux. D'une part ceux (plus exactement, celles) qui ont été émues par le sort fait aux animaux élevés en batterie, ou choquées d'apprendre que plus de 90 % de la viande vendue est issue d'élevage industriel. D'autre part ceux qui soutiennent que l'on n'apprend rien dans ce livre qui n’ait été montré cent fois à la télévision, que c'est une démonstration « à l'américaine » (ce qui, dans la bouche d'un critique français, est une insulte) et que toute cette agitation autour du sort des animaux ne sert qu'à occulter la douleur de la laitue, arrachée à la terre pour le plaisir de nos papilles.
Autant le ton des détenteurs de la vérité de radio CREUM me mettaient un peu mal à l'aise, parce que dérangeantes, autant les réflexions des critiques (Arnaud Viviant en l'occurrence) me semblent simplement stupides. L'impression d'un monde qui ne veut surtout pas se poser de questions.

Or, l'introduction de l'animateur du Masque précise bien que la question des relations humain/animal est en plein développement dans le monde intellectuel. Et lorsque France Culture, dans Du grain à moudre, demande « les animaux font-ils les frais de l'humanisme ? », ce sont sous les étiquettes sciences et philosophie que le débat est rangé, avec comme invités un théologien, un philosophe, un biologiste et un historien.

On retiendra donc que l'intervention de Arnaud Viviant prouve que ces réflexions ne sont pas encore parvenues à l'ensemble de la société — en tout cas française — et que les intellectuels sont toujours en décalage avec leur époque.
Le débat sur France Culture est, comme souvent, intéressant, nuancé. L'intervention de l'historien, qui replace les cohabitations entre humains et animaux au cours des derniers siècles, est particulièrement intéressante.

Mais, alors que je l'écoute d'une oreille, je ne peux m'empêcher de penser à un bouquin que je lis ces jours-ci. C'est écrit par Sophie Bessis, et ça s'appelle L'Occident et les autres, Histoire d'une suprématie. Rien à voir là-dedans avec les animaux, mais une réflexion sur la manière dont l'Occident, en définissant les normes de l'universel, le modèle à son image et exclut de sa définition une bonne part de la population, celle qui n'est pas blanche/chrétienne pour faire court (pour une version longue, et brillante, on clique sur le lien plus haut, et on lit Mona Chollet.). 
Du coup, c'est un bouquin qui parle pas mal de l'altérité, et de la manière dont l'occident, dominant, entretient sa domination à coup de définition de normes, faite sur mesure pour lui, qui lui assure que les « autres » resteront bien des « autres », dont on peut légitimement se méfier, et donc exploiter... pour leur bien...

Quel est le lien avec les paragraphes plus haut ? Bon, je ne me l'explique pas moi-même pour être honnête.
Mais, dans ces discours sur les animaux, dans ces interrogations d'intellectuels sur les thèmes « qu'est-ce qui différencie un humain d'un animal ? » et « que peut-on moralement faire aux animaux ? », je vois une ressemblance frappante avec les interrogations des intellectuels des XVIIe-XVIIIe siècles, sur l'humanité des Indiens, celles des noirs, et puis les variantes sur la nécessité de l'esclavage pour l'économie et la bonne santé des blancs ... Autant de questions qui apparaissent aujourd'hui, même pas dépassées, mais ignobles (pas pour tout le monde, ok, mais on peut imaginer un instant que ces gens-là n'existent pas ? Juste un instant, ça donne de l'air).

Je ne sais pas si ça veut dire que d'ici 200-300 ans l'idée de manger de la viande animale soulèvera autant d'indignation que celle de l'esclavage aujourd'hui. J'ai énormément de mal à le concevoir, tellement manger de la viande animale m'apparaît comme quelque chose de naturel, voire de nécessaire au corps humain. Pourtant, il y a des gens qui s'en passent, et sont en bonne santé. Donc ce sont des certitudes qui ne sont peut-être que des croyances... C'est perturbant comme pensée non ?

lundi 17 janvier 2011

transformation d'immigrante, même au boulot !

Je dois rendre, pour le 1er février, un compte-rendu critique du dernier ouvrage de George VigarelloLes métamorphoses du gras. Et je n'y arrive pas.

Bon, c'est vrai, j'ai cette détestable habitude de laisser traîner mon travail pour ne le faire qu'à la dernière minute. J'imagine que je ne peux pas être productive sans stress, sans être au pied du mur (au moment de la rédaction de la thèse, ça va être drôle tiens).

Mais il y a aussi que ce bouquin me déçoit, et je suis empêtrée dedans.

J'ai demandé au responsable de la revue de faire la critique de ce bouquin. J'aime bien en général les travaux de Vigarello. Déjà, je le trouve bon en conférence, ou à la radio. Il parle très bien de ce qu'il fait, sait rendre ses travaux accessibles.

Ensuite, il a une formation atypique pour un historien. Qu'est-ce qu'un historien ? Quelqu'un qui a fait de longues études assit dans des bibliothèques et des dépôts d'archives, assis devant ses feuilles de papier, son ordinateur. Quelqu'un qui passe donc le plus clair de son temps, assis, à lire, écrire, réfléchir. Un pur esprit quoi...

Sauf que, comme personne n'est un pur esprit, c'est un mode de vie plutôt malsain. D'autant que c'est le genre de boulot qu'on ne fais pas sans passion, et qui a donc tendance à envahir tous les espaces de votre vie, alors que justement, pour tenir ce rythme, il faut avoir une vie qui permette de se rappeler qu'on a un corps, que ce soit en sortant danser, boire,a voir une famille, ou faire du sport... vivre quoi.

Et donc j'aime bien Vigarello pour ça, parce que ce type est certes agrégé de philosophie (ce qui est déjà un signe d'un minimum d'ouverture pour un historien), mais, au départ, il est diplômé en éducation physique... prof de sport quoi. Alors que voulez-vous, un prof de sport qui devient un pape chez les historiens, directeur d'étude à l'EHESS, moi je trouve ça plutôt génial.

Bonus : Cette formation l'a visiblement marquée, parce que ses sujets d'étude tournent presque exclusivement autour du corps (en fait, je ne lis de lui que ce qui tourne autour du corps, mais je laisse un presque au cas ou il aurait bossé sur autre chose à un moment..). La propreté et l'hygiène, le sport, la minceur, les vêtements et donc, l'obésité.

Je me réjouissais donc à l'idée de lire les 300 pages des métamorphoses du gras (j'adore ce titre), gratuitement, avec en contrepartie, une simple critique. J'ai passé mon examen de synthèse il y a 4 mois, ce qui signifie que l'année dernière, j'ai lu des milliers de pages (littéralement, genre 25 000 environ) et fait des synthèses critiques sur ces bouquins, dont certains étaient passablement indigestes. (J'ai un souvenir plutôt marquant d'un article traitant du mythe de l'égalitarisme paysan en Nouvelle-France. ). Je me donnais donc naïvement 48 h pour ce livre là...

C'est lourd, touffu, sans le moindre fil directeur un tant soit peu argumenté. En fait, c'est ça, y a pas de thèse ou d'argument, juste des éléments sortis des archives, placés en ordre chronologique, et découpé en plusieurs grandes parties, en l'occurrence celles-ci :

- 1/le glouton médiéval
- 2/le balourd moderne
- 3/De la balourdise à L'impuissance, les Lumières et la sensibilité
- 4/Le ventre bourgeois
- 5/ Vers le «martyre» 

Chaque partie est découpée en chapitres courts, mais ils ne sont pas pour autant légers. Ils sont touffus, pleins d'informations certes, mais là encore, ça donne l'impression de ne pas avoir de but. Et cette impression est corroborée par l'absence de conclusions partielles. Ou même d'une conclusion tout court d'ailleurs (là, Antidote me dit qu’« une conclusion toute courte » serait grammaticalement correct...j'ai comme un doute sur ce magnifique logiciel là), parce que 3 pages pour en conclure 300, lorsqu'il n'y a pas de conclusions partielles, je trouve ça un peu léger. En tout cas, ça ne simplifie pas le moins du monde la tâche de l'étudiant, du chercheur ou de toute personne qui cherche rapidement une information dans l'ouvrage, ou le point de l'auteur, puisque tout est construit avec ce ton neutre, en ordre chronologique, comme si l'auteur avait voulu toujours se mettre en retrait.

Or ce n'est pas le cas. Il y a forcément une idée, un point de vue personnel derrière un ouvrage de ce type. C'est pas obligatoirement une prise de position tranchée, hyper politique, mais il y a un point de vue, un choix, à un moment, de mettre cet événement là en avant, de poser telle anecdote avant une autre... Sauf qu’entre la construction « neutre » et son ordre chronologique, et l'énorme travail d'archives, trouver ladite thèse est fort complexe, et la mettre en évidence demande une connaissance des sources comparable à celle de l'auteur. C'est sur qu'avec mes 25 ans et mon doctorat en cours, je ne rivalise pas avec les connaissances d'un directeur d'étude de l'EHESS. En fait, il doit y avoir environ 3 personnes sur terre qui doivent pouvoir repérer le moment ou l'auteur fait un choix... C'est bien, c'est certes un gage de travail et de qualité, mais c'est frustrant pour les autres, ça ne laisse pas beaucoup de place à la critique.

Ça doit être pour ça que l'on tombe souvent sur des review plates, qui expliquent que « cet ouvrage démontre un immense travail de recherche » et permet « de donner un nouvel éclairage sur cette question qui fait l'objet de débats contemporains » et qui enfin « fera date dans l'historiographie ».

Les bouquins américains (USA/Canada/Québec), ou anglais sont généralement structurés différemment. Avec des conclusions à la fin de chaque chapitre, une thèse claire et un point de vue de la part de l'auteur-e, assumé. Ça m'a pris un peu de temps, mais finalement, je préfère.

Bon ben voilà, pour le questionnaire « À quoi reconnais-tu ta transformation en Nord-Américaine ?», j'ai un point de plus.

mercredi 12 janvier 2011

Quitte à ne rien faire

Journée sans la moindre productivité.

Je doute que qui que ce soit ait besoin d'un mode d'emploi pour arriver à un tel résultat, mais tant pis, voilà comment j'en suis arrivée là.

Ce matin, après ouverture de mes courriels, j'ai fait le tour de mes blogs habituels, et suis donc allée voir chez CSP. Pour des raisons obscures, j'ai cliqué sur le lien sous cette image de si bon goût. 
J'ai donc atterri chez embruns. Là, toute heureuse de voir un blog qui parle de Montréal, j'ai regardé rapidement les derniers billets publiés (moui, j'étais vraiment disposée à ne rien foutre) et je me suis donc retrouvée loin.

J'y suis depuis ce matin. Oh j'ai bougé de chez moi, je me suis rendu jusqu'à mon adorable bibliothèque. Et depuis 11 h 45 (j'étais pas particulièrement en avance), je suis assise à une des tables de la Collection Nationale de la Bibliothèque Nationale du Québec, à lire un blog (il est 20 h 04. Oui j,ai fais une pause pour manger). Et je l'ai pas encore fini (ce qui signifie que je suis pas prête de me remettre à bosser.)

Deux conclusions :

1 — Je n’ai absolument aucun contrôle sur mes pulsions procrastinatoires. C'est moche. Ça fait une semaine que j'ai découvert la série Torchwood. J'en suis à la saison 3, épisode 2. C'est drôlement bien. Ça fait 3 jours que je me couche passé 01h pour voir la suite...
 Ça me fait le coup à chaque fois que je découvre un truc à lire ou à voir. C'est particulièrement pénible avec les séries, ou les blogs, parce que ce sont des heures qui s'envolent d'un coup.

2 — Depuis que je suis au Québec, il y a un sujet de conversation qui revient très régulièrement : les différences culturelles France/Québec. J'ai vaguement prévu de faire un billet là dessus un jour d'ailleurs, pour dire à quel point c'est un sujet de conversation bateau, qui me sort par les yeux. Mais là, non seulement l'auteur du blog écrit drôlement bien, mais en plus c'est un québécois à Paris. Avec une perspective inversée, ça devient tout de suite plus intéressant. Je vais même finir par comprendre pourquoi je suis obligée d'avoir encore et encore cette conversation sur pourquoi la France et le Québec, c'est-pas-pareil-mais-pas-trop-différent-non-plus.

Donc voilà, pour les 2 lecteurs éventuellement perdus par ici, c'est  que ça se passe.

Bon, ben à défaut de travail efficace, j'aurais au moins écrit un billet ici.

lundi 10 janvier 2011

confort de l'inutile, #1 : pas de cas de conscience

Par moment (ces temps-ci, souvent) je me pose la question de l'intérêt de ce que je fais. 
De manière générale d'abord : à quoi ça sert de savoir comment fonctionnaient les hôpitaux du XVIIIe siècle ? À augmenter la somme des connaissances humaines, ok...mais, allez savoir pourquoi, ça ne me satisfait pas totalement. Sûrement à cause de la seconde question : En faisant ce que je fais, j'apporte quoi à la société ?

J'ai pas de réponse à cette seconde question. Il existe en revanche des métiers pour lesquels aucune justification n'est nécessaire, leur rôle est clairement établi. Un de ceux-ci, c'est avocat. Mais après la lecture du dernier billet de Maître Mô (âme sensibles s'abstenir, vraiment. C'est un récit très dur), finalement, j'apprécie très très fort le calme et le confort de ce que je fais...

mercredi 5 janvier 2011

la poursuite de l'inaccessible

You can read about women who are unforgettable, disaming and no-so-quiet sensation,
or  become one wearing new MYSTRECE


Dans les dossiers de mon ordinateur se trouve une série de fichiers (articles écrits, vidéos) ayant pour objet le corps des femmes, ses représentations et perceptions dans la société. 
J'ai de plus, dans un carton de bouquins laissés en France, quelques ouvrages sur ce thème.

Je suis féministe (comme devrait l'être, me semble-t-il, toute jeune femme née dans les années 80 et ayant reçu un minimum d'éducation et disposant de droits auxquels sa grand-mère n'avait pas accès. Pourquoi n'est-ce pas le cas ? Ça m'échappe, faudrait réfléchir là dessus un jour), et historienne (en herbe) du corps.

Or, peut-être est-ce justement dû au croisement de cet engagement politique, et de cette spécialisation « professionnelle », mais je suis persuadée que le corps des femmes, et son contrôle, est une question cruciale. D'un point de vue politique, religieux ou encore médical, tout ramène au corps des femmes, au contrôle de celui-ci, par les hommes ou par elles-mêmes :

— du XVIIe au XXe siècle, dans les pays catholiques (et ça fait un paquet) on a enfermé dans des prisons religieuses des femmes ayant fait librement usage de leur sexualité, et donc de leur corps.
— Au XIXe siècle, la médicalisation des hôpitaux, jusque-là domaine des sœurs hospitalières, fait apparaître dans les murs des Hôtels-Dieu des médecins. Ceux-ci s'appliquent notamment à exclure de la pratique médicale les sages-femmes, les faisant apparaître comme des femmes sans hygiène ni connaissances médicales. Aujourd'hui encore, c'est une profession qui souffre d'un manque de reconnaissance assez délirant délirant .
— En 1920, en France, on vote une loi qui non seulement interdit l'avortement, mais assimile la contraception à l'avortement. Cette loi est renforcée dés 1939 par le gouvernement du Maréchal Pétain et, en 1942, l'avortement devient un crime d'État.
— Lorsqu'en 1975, la loi Veil autorise en France l'Interruption Volontaire de Grossesse, c'est suite à des années de militantisme (du MLAC, notamment) et surement pas par bonté d'âme de la part du gouvernement français.
— Bien que l'Union Européenne soit une des régions du monde qui protège le mieux les droits des femmes, 4 pays de l'UE (Irlande, Pologne, Malte et Chypre, pour ne pas les nommer) font de l'avortement un acte illégal. Et dans les pays qui l'autorisent, le nombre d'établissements hospitaliers le pratiquant est en chute libre

Bon, ma mini chronologie (largement et volontairement incomplète) porte, je m'en rends compte, presque exclusivement sur les aspects sexualité/reproduction du corps féminin (c'est sexy dit comme ça hein?). 
Mais le corps est aussi contrôlé sur d'autres aspects, notamment via l'esthétique, la représentation du corps, bref, la mode.

Oh ce n'est pas un sujet nouveau, ni même un sujet exclusivement féminin. Je dois finir une recension pour dans un mois sur une histoire de l'Obésité qui court du XIIe au XXIe siècle.

Mais je maintiens, le contrôle du corps par l'État ou toute autre entité sociale, s'adresse principalement aux femmes.
C'est particulièrement clair lorsqu'on regarde la loi de 1942, qui fait de l'avortement un crime d'État : le corps des femmes appartient donc à la nation. De la même manière, lorsque la IIIe République française voit le jour, une manière d'assurer sa légitimité, c'est de proclamer que les femmes républicaines et laïques sont aussi vertueuses, et même plus vertueuses, que les catholiques ferventes. J'avoue avoir toujours eu du mal à comprendre en quoi la vertu (des femmes, toujours et uniquement des femmes) pouvait être garante de la qualité d'un régime politique, mais force est de constater que ça revient régulièrement comme idée (voir là-dessus Savonarole et sa théocratie florentine, ou, plus prés de nous, les régimes islamistes. En profiter pour relire Marjanne Satrapi au passage).

[ Cette note aborde trop de choses et ne va nulle part. ]

Donc je pense qu'il y aura plusieurs articles sur ces thèmes sur ce blog. Mais pour aujourd'hui, on va arrêter là cette introduction sans fin, et passer à ce dont je voulais parler aujourd'hui : le corps des femmes dans la publicité.

D'une part, deux excellents articles de Mona Cholet :


Comme je suis légèrement obsessionnelle, j'ai lu certains des ouvrages dont il est question, à savoir Fatema Mernissi, Le harem et l'Occident et Eve Ensler, The Good Body.
Les deux ouvrages offrent une vision complémentaire du contrôle du corps des femmes. Chez Fatema Mernissi, on aborde la manière dont les hommes contrôlent les femmes, par leur corps, dans l'espace public. Avec Eve Ensler, c'est comment les femmes, en se concentrant sur le contrôle de leur corps ( perdre de la graisse, changer le volume des seins, refaire le visage) dépensent une énergie et des sommes d'argent considérables dans un projet sans fin, dans un but inaccessible : le corps parfait.
Un but aussi inaccessible, au passage, que le modèle proposé par l'Église catholique aux femmes : Marie, à la fois vierge et mère. Cette équation insoluble à l'avantage de justifier la place inférieure des femmes dans le monde catholique, puisque toutes les mortelles qui se risqueraient à égaler le modèle ne peuvent qu'échouer.

Si les femmes qui tentent d'égaler la vierge Marie sont aujourd'hui rares (en tout cas, dans les gens que je fréquente, je sais pas pour vous), celles qui se mesurent quotidiennement à un modèle de beauté tout aussi inaccessible sont légions.

À ce propos, la démonstration de Jean Kilbourne, dans ses films « Killing Us Softly » (1 à 4), qui s'intéresse au corps des femmes dans la publicité, est éclairante. Traduction de son introduction par mes soins :

La publicité est le socle sur lequel s'appuient les médias de masse. Le premier objectif de ces médias de masse, c'est de vendre des produits. La publicité vend en effet des produits, mais elle vend bien plus que ça. Elle vend des valeurs, des images, elle vend des représentations ce que sont l'amour, la sexualité, le romantisme, le succès, et peut-être le plus important de tous, de ce qu'est la normalité. De manière générale, la publicité nous dit qui nous sommes, et qui nous devrions être.
Qu'est-ce que la publicité nous dit aujourd'hui sur les femmes ? Elle tient exactement le même discours depuis 10, 20, 30 ans : ce qui est le plus important pour une femme, c'est son apparence. La première chose que fait la publicité, c'est de nous entourer d'images de beauté féminines idéales. Nous apprenons donc très rapidement à quel point il est important pour une femme d'être belle, et de mettre tous les moyens en œuvre pour y parvenir. Les femmes apprennent très jeunes qu'elles doivent dépenser énormément de temps, d'énergie, et surtout, d'argent, pour tenter d'atteindre cet idéal, et se sentent honteuses et coupables lorsqu'elles échouent. Et l'échec est inévitable, parce que l'idéal est basé sur un mensonge. [Le visage du modèle] n'a jamais la moindre ride, et elle n'a bien évidement aucune tache ou cicatrice, en fait, elle n'a même pas de pores.



Un extrait du film, disponible sur google video dans son intégralité. Cependant, pour des raisons obscures, probablement liées à mon inexpérience dans le monde de l'informatique, je suis dans l'incapacité totale d'intégrer la vidéo complète. Ceci dit, en tapant "Killing Us Softly 3" dans google video, vous devriez tomber dessus, ça dure 34 min.

lundi 3 janvier 2011

France, Afrique : une longue histoire



Courant décembre, je suis tombée sur cet article de rue 89, à propos du documentaire Francafrique : 50 ans sous le sceau du secret

Le film à été diffusé sur France 2, mais vivant au Québec, je ne reçois pas vraiment les chaînes françaises. En revanche, le DVD était en vente.

J'avais donc décidé de me commander le DVD il y a quelque temps, et puis j'avais oublié, ou plutôt mis l'idée en attente (correction de copies + noël + chocolats = pas de temps à consacrer aux aspects véreux du pouvoir politique français de ces 50 dernières années)

 Et voici que ces derniers jours, le site web du journal Le Monde se décide à publier, (avec quelques semaines de retard par rapport à El Païs), un de ces fameux télégrammes de Wikileaks. 
Le site d'@rrêt sur images (accès abonnés) fait un long article sur le sujet et pose quelques questions :

— Le Monde reçoit avec Wikileaks, un câble (on dit pas télégramme en français ?) expliquant comment le clan Bongo aurait détourné environ 30 millions d'euros son profit, et financé des campagnes politiques françaises, tant à droite qu'à gauche. Pourquoi attendre 5 semaines pour le publier ?

— C'est vrai cette histoire de financement ?

— La Francafrique, hier et aujourd'hui, c'est quoi ?

Alors, comme internet est vraiment un truc magique, je regarde ce documentaire, et suis effarée de voir le sens que la France à donné au mot « décolonisation ». Pas que ce soit non plus une si grande surprise, mais tout de même. Le film alterne images d'archives et entretien avec les responsables politiques et industriels de ces cinquante dernières années avec une voix off qui donne une cohérence à l'ensemble.

Lorsque les fameux câbles de Wikileaks ont été dévoilés, ça a donné lieu à pas mal de discussions avec mes camarades de bibliothèque (minute ethnologique : pour essayer de ne pas devenir fou, enfermé dans sa tour d'ivoire, le doctorant devient grégaire, et retrouve les siens dans des bibliothèques. Fin de la minute ethnologique). Les réactions de mes amis spécialistes de l'histoire de la Russie et de l'Allemagne contemporaine ont été « ouais, rien de nouveau quoi, on le savait, on s'en doutait ». 

En effet, quiconque s'est un jour documenté sur les rapports entre la France et ses anciennes colonies africaines se doute bien que l'autonomie de ces pays n'est pas totale, que la France est particulièrement favorisée dans l'exploitation des ressources naturelles, et que les populations locales ne voient pas la couleur de l'argent qui est versé à leurs dirigeants.
Mais il y a, me semble-t-il, une différence importante entre se douter de et savoir.
À la fin de ce film, on sait beaucoup plus de choses. Question : maintenant qu'on sait, qu'est-ce qu'on fait ?



parce qu'il faut commencer

À l'origine de ce blog, une crise existentielle : J'ai 25 ans, je suis au milieu d'une thèse en histoire, et je me demande, d'un seul coup à quoi ça sert, et à quoi ça rime. Est-ce que j'ai le moindre espoir de faire de ce mode de vie un boulot, et est-ce que j'en ai envie ? Quel est le but d'études si longues, qui portent sur des gens et sociétés depuis longtemps disparus ? Et le monde actuel et réel, celui qui existe hors de l'Université et de ses bibliothèques, quelle place puis-je y trouver?

Pour sortir de cela donc, un blog, dans lequel on devrait trouver un peu tout et n'importe quoi, en fonction de mes centres d'intérêt. On peut donc supposer que dans les jours qui suivront, se trouveront sur ce blog des billets parlant politique, féminisme, histoire (mais surement pas beaucoup) et imaginaire. Surement de la cuisine aussi, et probablement quelques photos de petits lapins ou de chatons.

Allez hop, c'est parti !